Le bien-être, nouvel impératif managérial ??

Bien évidemment, personne n’a pour objectif le mal-être, cela tombe sous le sens. Mon propos n’est pas de faire l’apologie de la douleur mais quelque chose me gêne quand le bien-être devient la finalité proclamée de l’entreprise. Cela ressemble à une nouvelle mode managériale, et, décidemment celles-ci défilent, à la vitesse du vide cosmique de la pensée dans l’entreprise. Plus les relations se durcissent, plus l’organisation dégrade les énergies des gens et plus on parle de bien-être. Curieux, et si fréquent.

Imagine-t-on un lancement de saison d’un président ou d’un coach d’une équipe pro qui dirait en substance : cette saison, le club s’est doté d’une grande ambition humaine : le bien-être des joueurs et de l’encadrement…. Discours improbable, sauf un 1er avril.

La finalité, la raison d’être d’une entreprise ne saurait être le bien être (ni non plus le mal être bien sûr), comme si là résidait le fondement de la vie. Elle est, au mieux et pour les plus ambitieuses, de faire réussir ses parties prenantes, dans une logique de performance et de grandissement de tous ses acteurs. Au pire, de produire une performance durable : économique et sociale.

Ce mantra du bien être laisse croire que la vie professionnelle peut être rythmée par la douceur, l’équilibre, le confort, le plaisir et le paisible. Cette quête s’oppose aux aspérités, aux épreuves, aux duretés de l’existence, de l’apprentissage, de la découverte. Comme si l’univers rassurant et maternant du bien-être mettait un voile sur les inconforts, imprévisibilités et l’intensité de la vie.

La mode du bien-être est en train de devenir une espèce d’objet transactionnel (le doudou des bébés) dans une optique de doudouisation factice et mensongère des relations de travail. Elle suit en cela le grand mouvement social d’infantilisation des adultes. Dans certains endroits de l’entreprise, au milieu des poufs, coussins, fauteuils, baby foot et bibelots aux couleurs sucrées, on se croirait davantage dans une chambre d’enfant que dans une salle de travail ou de repos. Parallèlement, cette mode épouse le grand mouvement d’orientalisation et de zénification des mœurs : yoga, massages, méditations…

Le bien-être comme négation de la souffrance et obsession du plaisir conduit à une pauvreté de l’expérience de la vie et de son intensité. Le confort se marie mal avec l’exploration, la stimulation et la motivation. A moins d’accepter d’être des bougies qui se consument…

Pas plus que la joie ou le bonheur, le bien-être ne peut constituer le projet social ou humain de l’entreprise. L’entreprise doit se soucier d’offrir aux salariés les conditions les meilleures afin qu’ils s’engagent à la construction et à la réussite du projet et de la performance collectifs. Afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cela n’est possible que si ces mêmes salariés y construisent leur propre projet, en nourrissant leurs propres besoins.

Il ne s’agit pas de bien-être mais de grandir dans leurs compétences, dans leurs relations et dans leur puissance. Il ne s’agit pas de leur offrir un univers ouaté et paisible mais les conditions d’une aventure humaine, profonde, incertaine et intense.

Aventure qui va leur permettre, aussi, de grandir dans leur être et, si, de surcroît, on ils y trouvent un peu plus de bien-être….

( Je vous recommande sur ce sujet le dernier livre de Benoît Heilbrunn : l’obsession du bien-être, dont certains de mes propos sont tirés.)

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